>> Publiée le 15 septembre 2022
Pour Olivier De Schutter, Christine Mahy, Céline Nieuwenhuys et Jean-Pascal van Ypersele, le secteur bancaire doit faire preuve de créativité pour limiter l’impact de la hausse des coûts de l’énergie sur les ménages les plus fragiles.
Selon la CREG, les ménages belges ont vu leur facture annuelle augmenter en moyenne de 98,42 % pour le gaz naturel et de 54 % pour l’électricité entre mai 2021 et mai 2022. Cette flambée des prix de l’énergie plonge nombre d’entre eux dans des difficultés d’autant plus inextricables qu’en 2019, 28,3% des Wallons se trouvaient déjà en situation de précarité énergétique. Pourtant, l’énergie constitue un bien de première nécessité, indispensable pour que chacun et chacune puisse conserver une certaine dignité en matière de logement, de santé, d’alimentation et d’hygiène. Le monde politique cherche aujourd’hui des solutions pour sortir une partie importante de la population de cette précarité.
L’Union européenne s’emploie certes à maîtriser les prix de l’énergie mais nous devons en outre collectivement réduire nos besoins en travaillant sur l’isolation du parc immobilier résidentiel. A
l’échelle de la Wallonie, l’objectif est d’atteindre le label PEB A moyen d’ici 2050. Pour y parvenir, pas moins de 125 rénovations quotidiennes seront nécessaires au cours des 30 prochaines années ! Face à ce défi majeur, le secteur bancaire doit jouer pleinement son rôle et proposer des solutions créatives, innovantes et solidaires qui limitent l’impact de la hausse des coûts de l’énergie sur les ménages les plus fragiles. Or, les crédits rénovation en vue d’améliorer les performances énergétiques des logements sont encore trop souvent réservés aux plus nantis. Les ménages qui en ont le plus besoin quant à eux n’ont pas toujours les moyens de présenter les garanties nécessaires pour bénéficier d’un coup de pouce qui, à long terme, réduirait considérablement leur consommation d’énergie et aurait un impact positif direct sur leurs conditions de vie.
Il est urgent de mettre un terme à ce paradoxe qui exclut des solutions celles et ceux qui devraient pourtant être les premiers à en profiter. C’est l’ambition que s’est donnée la banque coopérative NewB en développant une formule de crédit à la rénovation totalement nouvelle sur le marché belge. Elle souhaite proposer aux ménages propriétaires d’une passoire énergétique de financer des travaux de rénovation permettant une réduction de 48 % de la consommation réelle du logement sans qu’ils ne doivent avancer un seul euro pour ceux-ci. Une partie de l’économie réalisée sur la facture d’énergie servira à rembourser le crédit et le reste demeurera acquis au ménage qui réduira ainsi ses charges.
Cette formule de tiers-payant a été conçue en partenariat avec des experts renommés en matière de réduction de l’impact carbone. Elle offre un triple avantage : aider cinq mille ménages à sortir de la précarité énergétique; stimuler l’activité économique dans un secteur peu délocalisable; et réduire les émissions de CO2 de plus de 4.550 tonnes par an. Elle n’est évidemment pas suffisante pour rencontrer tous les défis de l’heure. Mais elle fait partie de la solution. Et, à ce titre, mérite d’être soutenue et encouragée.
Deux ingrédients lui sont nécessaires pour se développer. Un investissement des pouvoirs publics dans le capital de la banque afin de lui permettre d’accorder ces crédits : chaque euro investi permet le financement de six euros de travaux. Mais aussi une épargne des citoyens sur les comptes de NewB, dont il faut rappeler qu’ils bénéficient de la même protection que ceux n’importe quelle autre banque – chaque euro déposé permet de financer cette rénovation.
L’espoir que nous voulons exprimer est double. Que les pouvoirs publics et les citoyens puissent fortement et rapidement se mobiliser pour que ce prêt innovant puisse devenir une réalité dans les meilleurs délais et que nous puissions ainsi, collectivement, faire la démonstration qu’il est possible de mettre en place des solutions innovantes et efficientes qui répondent au triple enjeu social, économique et environnemental. Mais nous espérons aussi que la formule proposée par NewB soit accompagnée de nombreuses autres initiatives publiques et privées à même de réduire la consommation d’énergie, soulager les factures des ménages et relancer l’activité économique.
Olivier De Schutter, professeur à l’UCLouvain, Rapporteur spécial de l’ONU sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté
Christine Mahy, secrétaire générale du Réseau wallon de lutte contre la pauvreté (RWLP)
Céline Nieuwenhuys, secrétaire générale de la Fédération des services sociaux
Jean-Pascal van Ypersele, professeur à l’UCLouvain, membre de l’Académie royale de Belgique
Le titre est de la rédaction du Vif