« Nous avons cessé toute permanence. Pour nous joindre, veuillez nous renvoyer le formulaire de contact disponible en ligne ou prendre un RDV par téléphone. Nous pouvons également vous conseiller par visioconférence ». Un peu partout, nous voyons apparaître ce genre de messages sur les portes et les sites internet des services publics et privés auxquels nous avons régulièrement recours. Malgré les mesures de déconfinement, ces messages ne disparaissent pas et le mouvement – déjà présent avant la crise – du « tout au numérique » et du service via call-centers s’est largement développé. L’accès aux services est pourtant essentiel pour que les personnes puissent réellement avoir recours à leurs droits. Faute de quoi, on peut redouter qu’une partie du public éligible aux aides « disparaisse » et survive dans une économie informelle qui ne leur offre pas de sécurité.
La Banque nationale de Belgique estime qu’ « environ 1 ménage sur 8 est extrêmement vulnérable face à la crise du Covid-19, encourant une perte d’au moins 10 % de ses revenus, tout en ne disposant que d’un coussin d’épargne restreint.»[i] Une note de travail du Group of Experts for Exit Strategy (GEES) précise que la proportion de personnes vivant sous le seuil de pauvreté va augmenter de presque 10% (estimations à 25%)[ii] et l’éligibilité au RIS de 12%. L’augmentation des demandes d’aide aux services sociaux et aux CPAS est donc prévue et planifiée[iii].
Pourtant, déjà depuis un certain temps, des travailleurs sociaux s’inquiètent du fait qu’une partie du public éligible aux aides sociales ne vienne pas, ne vienne plus, arrive trop tard ou ne parvienne pas à répondre aux exigences à remplir pour bénéficier des aides existantes. Ce phénomène de non-recours aux droits reste, par nature, difficile à chiffrer. Une large enquête bruxelloise[iv] a montré toutefois qu’il se développe pour de nombreux droits et services. Les rares estimations qui existent évaluent à une fourchette de 57 à 76% le non-recours au RIS[v].
La saturation des services, la lourdeur administrative et les complexités des procédures expliquent, très souvent, que certaines personnes se découragent de faire valoir leurs droits. En période de (dé)confinement, bien que l’automatisation de certains droits a atténué l’impact social de la crise sanitaire, les difficultés de mener à bien de longues et complexes procédures se sont renforcées.
Limiter l’impact social de la crise nécessite donc de tenir compte de ce phénomène – notamment par un assouplissement des critères, une simplification administrative forte des procédures et une automatisation des droits – pour s’assurer que les personnes ayant droit à une aide (qu’elle soit financière ou matérielle) en bénéficient dans les faits. Par ailleurs, le remplacement des permanences et guichets physiques avec interaction par des services en ligne/par téléphone complique l’accès aux services et aux aides pour un très grand nombre de personnes.
La question du non-recours aux droits est étroitement liée à celle de la fracture numérique. Aujourd’hui, même si le nombre de personnes qui a accès à la technologie informatique augmente, les personnes qui en sont encore exclues[vi] sont doublement pénalisées. D’abord, parce qu’il s’agit globalement des personnes déjà fragilisées (en manque de revenus, âgées, isolées, ménage monoparental, sans emploi, sans diplôme, etc.) et ensuite, parce qu’elles ne disposent pas toujours des ressources informatiques, du langage administratif et des savoir-faire numériques leur permettant de faire valoir leurs « droits-en-ligne ». La digitalisation des services accentue dès lors l’exclusion de ces personnes et renforce les inégalités socio-économiques.
Le numéro vert bruxellois pour les urgences sociales reçoit de nombreuses demandes de personnes angoissées par cette impossibilité qu’elles rencontrent d’accéder aux aides, à leurs droits, aux obligations. Ces constats, développés dans le dossier de presse, démontrent l’importance de mettre en place des services universels directement accessibles à tous-tes, gratuits et anonymes. Par une aide gratuite, directe et concrète, le numéro vert permet de faciliter, dans les faits, la possibilité pour les personnes de prendre connaissance, d’être informé, de demander et de bénéficier des aides et des droits auxquels elles sont éligibles. Toutefois, soulignons-le : il revient aux services publics, privés et associatifs le rôle d’accompagner les ayant-droits et de s’assurer que les aides et les services qu’ils proposent soient facilement et effectivement accessibles pour les citoyens éligibles. Se soustraire à ce rôle de médiation aggrave l’impact social de la crise sanitaire sur les personnes déjà fragiles ou nouvellement fragilisées[vii].
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Pour aller plus loin
(Contact : Laurence Noël, Collaboratrice scientifique à l’Observatoire de la Santé et du Social de Bruxelles, lnoel@ccc.brussels 02 552 01 50)
La Fédération des Services Sociaux (FdSS) fédère et représente des services sociaux associatifs en Wallonie et à Bruxelles. Pour soutenir les acteurs sociaux de terrain, elle développe des projets, des formations et une expertise, en particulier dans les domaines du droit à l’alimentation, à l’eau et à l’énergie. Elle contribue également à la réflexion en matière de travail social et de politique sociale via ses projets de recherche-action. À partir de ces analyses et en collaboration avec les travailleurs sociaux, elle interpelle et formule des recommandations à l’attention des pouvoirs publics et des acteurs administratifs et associatifs. En savoir plus : www.fdss.be
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