Lutte contre le surendettement : contre l’extension de la procédure en recouvrement des créances non contestées aux relations entre une entreprise et un consommateur

07/07/2022

En nos qualités d’associations actives dans la lutte contre le surendettement et la pauvreté, nous sommes très préoccupés par divers projets législatifs qui sont actuellement sur la table et qui sont censés lutter contre le surendettement des particuliers.

Ainsi, nous avons appris que le Ministre de la Justice, Monsieur van Quickenborne, avait l’intention d’étendre la procédure de recouvrement des créances incontestées (RCI) aux relations entre professionnels et consommateurs (BtoC).

En ce qui nous concerne, et pour commencer, il est absurde que cette mesure soit proposée dans le cadre de la lutte contre l’endettement. Bien au contraire, si cette proposition aboutit, elle aura de graves conséquences pour les consommateurs et pourrait simplement contribuer à l’aggravation de l’endettement des particuliers.

De quoi s’agit-il ?

La procédure de recouvrement des créances incontestées offre au créancier la possibilité d’obtenir un titre exécutoire au moyen d’une procédure expéditive, sans avoir à recourir à un juge.

En effet, il lui suffit, après avoir reçu l’aval d’un avocat de mandater un huissier de justice pour en réclamer le paiement au débiteur. L’huissier de justice signifie, alors, une sommation de payer au débiteur, à laquelle est joint un formulaire de contestation. Si le débiteur ne réagit pas dans le mois de la sommation de payer, le créancier dispose d’un titre exécutoire équivalent à un jugement !

Cette procédure constitue un renversement des principes fondamentaux qui régissent notre état de droit et porte atteinte de manière disproportionnée aux intérêts légitimes du consommateur :

  1. Ce n’est pas parce qu’une créance n’est pas contestée qu’elle n’est pas contestable !
  2. Le consommateur, partie faible au contrat, doit à ce titre bénéficier de la protection d’un juge. Le droit européen impose d’ailleurs que le juge contrôle d’office (même lorsque le consommateur n’est pas présent à l’audience) la légalité de certaines clauses d’un contrat de consommation.
  3. En favorisant l’obtention rapide d’un titre exécutoire, cette procédure réduit d’autant les chances d’un règlement à l’amiable de la créance.
  4. Cette mesure est contreproductive pour lutter efficacement contre le surendettement puisque le consommateur fera plus rapidement l’objet de mesures de recouvrement forcé (saisies sur salaire, saisie de biens mobiliers, etc…). Or, si les frais de justice alourdissent effectivement la dette, les frais d’exécution (= les frais d’huissier) qui peuvent s’accumuler sans limite pèsent encore plus lourds pour le débiteur.
  5. La possibilité donnée au consommateur de s’opposer, après coup, au PV de non contestation devant un juge ne compense en rien l’absence de contrôle du juge avant l’obtention du titre exécutoire. La pratique montre en effet que le consommateur, surtout lorsqu’il est précarisé ou financièrement fragilisé, est totalement démuni face à la complexité du système judiciaire et à son coût. La possibilité d’opposition offerte aux consommateurs restera donc purement théorique pour beaucoup d’entre eux.
  6. L’argument selon lequel cette procédure coûtera au final moins au consommateur que les frais liés à une citation en justice est à relativiser car inévitablement l’avocat et l’huissier de justice seront indemnisés pour leur intervention et l’huissier, pour la sommation qu’il devra signifier. Même plafonnés par arrêté royal, ces frais seront élevés et augmenteront d’autant le poids de la dette.

Compte tenu de ce qui précède, nous vous demandons avec insistance de vous joindre à nous et de vous opposer à cette initiative qui risque de porter gravement atteinte aux droits des consommateurs et de précipiter de nombreuses personnes dans la spirale du surendettement.

D’autant plus qu’il existe d’autres propositions pour lutter efficacement contre le surendettement, propositions qui sont soutenues par nos associations et par de nombreux autres acteurs de terrain (avocats, magistrats, etc).

 

Pour plus de détails, consultez notre avis critique:

IOS-B2C – Avis critique

 

Avec la participation de nos partenaires :

Centre d’Appui-Médiation de Dettes (CAMD), Steunpunt Mens en Samenleving (SAM), Observatoire du Crédit et de l’Endettement (OCE), Réseau Belge de Lutte contre la Pauvreté (BAPN)