15/09/2025
Chères élues,
Chers élus,
Comment allez-vous ?
Depuis juin 2024, nous vivons tant bien que mal, nous travaillons d’arrache-pied en vous attendant. Nous tentons de vous entendre, sommes parfois pendus à vos lèvres… silencieuses. D’espoirs en soubresauts, nous vous regardons sans savoir très bien où nous situer. Depuis juin 2024, notre vie et notre travail se détachent de votre impuissance.
Nous sommes en juin 2025 et voilà que l’habitude s’est installée. On sent votre impuissance et notre malaise. On ne sait rien ou pas grand-chose. On sait juste que personne ne veut prendre ses responsabilités derrière des propos matamoresques et souvent très masculins. On ne sait pas ce qu’il en sera de la continuité de nos trajets de vie et des projets dans lesquels nous nous activons, on ne sait pas si nous pourrons continuer à être soignés, si notre formation sera considérée comme souhaitable et donc finançable, ou si au contraire, elle sera jugée comme un obstacle à notre mise à l’emploi immédiate. On ne sait pas pour le maintien des emplois et l’avenir des travailleuses et des travailleurs. In fine, on ne sait pas quoi pour nous, les gens, pour nous les travailleurs. Serons-nous encore les uns avec les autres dans 6 mois ? Impossible à dire.
A vous entendre, il semblerait que personne n’y peut rien. Alors à force de voir tourner le manège, on attrape le tournis et puis on se détourne. Pas totalement quand même : nous vous avons envoyé moultes cartes blanches, nous nous sommes maintes fois mobilisés, pour alerter et dire que ce n’est pas le moment de fragiliser les secteurs sociaux à Bruxelles, que le sécuritaire ne peut pas avancer seul. Et par-dessus tout, nous poursuivons nos formations, nos trajectoires, nos programmes même dans l’insécurité dans laquelle vous nous plongez. Parfois, vous poussez sur votre petit bouton de vote au parlement : quelques aménagements deviennent possibles afin d’éviter le crash (douzièmes provisoires pour les financements) alors que, quand il s’agit de montrer à vos collègues d’en face que vous en avez sous la pédale, vous êtes capables de textes audacieux qui passent malgré tout au parlement (LEZ, loyers abusifs…). Avec un gouvernement en affaires courantes en voie de zombification. L’essoufflement est proche et les quelques audaces souhaitables risquent bien de se briser sur les blocages institutionnels en cours. Ce qu’on entrevoit, c’est que vous êtes capables d’encore tourner longtemps comme ça. En fait, vous êtes à l’abri. Vous.
Mais petit à petit, à bas bruit comme souvent, les mauvaises nouvelles commencent à tomber. Des dégâts collatéraux du rien qui bouge. Personne n’a eu l’intention de fragiliser mais personne n’a le pouvoir non plus d’intervenir. Personne ne se sent vraiment responsable, personne n’est tout à fait habilité. Un exemple : la limitation dans le temps des allocations de chômage arrive le 1er janvier 2026, dans 8 mois. Mais Bruxelles n’a pas d’interlocuteur pour sauver les 35.000 personnes concernées. Cela ne vous intéresse donc pas ?
Alors non, ça ne peut plus continuer et peut-être est-ce de notre responsabilité de vous le dire. Ce que nous avons en commun, c’est que nous sommes, vous et nous, des maillons de notre chère démocratie, avec des manières et sous des formes différentes. Et à y regarder de plus près, on ne peut pas priver les citoyens de tous les niveaux de la démocratie en même temps. La difficulté politique et institutionnelle ne peut pas nous paralyser. Le mouvement devrait même être inverse : parce que cette paralysie est grande, les autres niveaux devraient turbiner. Nous entendons évidemment que cet autre chose, le blocage de la démocratie institutionnelle, est important. Mais les citoyens qui s’intéressent encore un peu à une situation qui les concerne et les dépasse, n’y comprennent plus rien.
Là où les citoyens se connectent au social et à la santé se vivent les premiers kilomètres de la démocratie. Nous sommes ce niveau de démocratie qui n’arrive pas dans les parlements. Nous sommes de cette démocratie qui sort des murs, qui arpente les rues, qui tente le soin de celles et ceux dont le sort, très souvent, rebute et éloigne. Nous sommes de celles et ceux qui pataugent avec les QR code et les formulaires informatiques. Nous sommes de cette démocratie qui vit sur le fil.
Nous, ce sont les utilisateurs et les travailleurs des secteurs du non marchand. Nous, ce sont les citoyens et leurs institutions, publiques ou privées, dont la mission est de prendre soin de ce qui aujourd’hui est vulnérabilisé ainsi que de celles et ceux fragilisés par nos systèmes.
Notre appel aujourd’hui, c’est de réorganiser nos forces. Notre appel, c’est que le temps que vous trouviez votre voie, s’il en existe une, vous nous passiez temporairement la main. Parce que le pire, et il est en cours, serait que vos empêchements ruissellent sur les nôtres.
Vous pensez que nous ne sommes pas à la hauteur pour honorer une telle mission ? Oui, nous sommes imparfaits mais il semblerait que vous êtes en train de gagner la palme pour cette fois-ci. Nous sommes imparfaits et nous devons, comme vous, réévaluer en permanence la manière de faire démocratie pour rester proches des gens. Ce n’est pas simple, en ces temps bousculés. Mais force est de constater, qu’ici, sous vos yeux, nous continuons à fonctionner malgré les incertitudes d’emploi, malgré la gestion financière rendue difficile, malgré les douzièmes provisoires, malgré les travailleurs qui s’en vont, et malgré le reste ou malgré le pire en cours : tout ce qui vient des autres niveaux de pouvoir et qui va fragiliser encore la façon dont nous allons pouvoir répondre à nos enjeux régionaux.
Les défis sociaux et sanitaires à Bruxelles sont colossaux. Ils réclament des actes et des choix.